27. juil., 2022

Toscana

Toscana
 
Il y a « des » Toscane… le Mugello, berceau des Médicis, le Val d’Orcia et sa terre de Sienne ondulante aux lourds labours et ses cyprès épars, le Chianti verdoyant, la Maremme et ses butteri, Lucques, Pise, San Miniato, Le Val di Chiana et Cortone, le Valdarno, Pitigliano, Livourne, Pistoia, Prato, et puis il y a Saturnia, Chiusi, Volterra… la Toscane étrusque, et le mont Amiata, ce volcan sacré…
 
Je les aime toutes dans leurs singularités, Pitigliano m’a bouleversée… Pienza m’a émerveillée, Cortone, fondée par les Troyens, et son Fra Angelico, est difficile d’accès ensorcelante et dominante, Arezzo m’a éblouie… pas seulement par l’or, qui est sa grande tradition, mais également par ses antiquaires, Vasari, Piero, Guido d’Arezzo… Carrare m’a aveuglée par sa blancheur, et glacée au cœur des galeries où l’on conserve l’or blanc de Colonnata, Montalcino m’a séduite par son élégance et Montepulciano par son Nobile de Sangiovese et San Biagio… Lucques et Torre del Lago, c’est Puccini… Bagno Vignoni est un enchantement, et l’air sulfureux autour du mont Amiata nous rappelle Vulcano. Prato et Lippi, la blancheur du marbre de Carrare contraste avec la pietra serena de Florence et l’austère grisaille de la pierre volcanique de Saturnia et ses thermes d’eau à 37° que les Romains utilisaient abondamment. Il faudrait reparcourir ces terroirs, et changer de saisons.
 
Chaque voyage exige de faire des choix, les Appenins et les reliefs du Chianti relativisent les distances… ces routes prennent du temps et c’est exactement ce qu’il faut, c’est justement ce temps dilaté qui fait qu’on découvre une chapelle, un village… où que l’on rencontre un des dernier tailleur de pierre à Carrare, comme Dino, qui travaille encore comme Michel-Ange.
 
Cinquante kilomètres se parcourent en 1h 30 et c’est précisément dans ces détours et ces entrelacs que l’on peut apprécier « sa » Toscane du moment… Elle nous fortifie, nous solidifie. Elle nous permet de creuser, de labourer, d’approfondir.
 
J'ai voulu dessiner ce dernier voyage avec les paysages Toscans... Les Appenins, colonne vertébrale qui fend la Péninsule tel un décumano urbain, s'épuisent naturellement sur les bords sablés blancs et émollients de l'Argentario et de Livourne... Tendrement... De part et d'autre, la rugosité est adoucie... gommée…
 
On comprend alors que l’expression « faire la Toscane » n’a pas de sens et ne se résume pas à constater la rusticité du bossage en pietra forte de Florence, si peu hospitalière.
 
Toutes “ces Toscane” ont néanmoins ceci en commun : un patrimoine culturel étourdissant, des paysages qui inspirèrent les plus grands Maîtres de la Renaissance, ces vedute et ces villes sont à taille humaine, toutes rivalisant de beauté, la terre y est généreuse, les terroirs d’une incroyable diversité, et on y parle évidemment l’italien dit « officiel » depuis Dante, avec des variantes lexicales et d’accents un peu partout. 
 
Ici, les artisans sont des artistes, ils abondent, sculpteurs, ébénistes, fabricants de chaussures ou calzolai, doreurs, vignerons. C’est une terre d’abondance dans tous les sens du terme. Une exception — voire un miracle.
 
On ne « fait pas la Toscane », chaque Toscane nous sculpte, nous fait et nous défait.
 
Nathalie Monsaint-Baudry
7 juillet 2022
 
Photo personnelle
Urbino