DÉNUÉ DE TOUTE MÉCHANCETÉ... OU REDOUTABLEMENT INTELLIGENT

 

« La pique étant une maladie de l’honneur, est beaucoup plus fréquente dans les monarchies, et ne doit se montrer que bien plus rarement dans les pays où règne l’habitude d’apprécier les actions par leur degré d’utilité, aux États-Unis d’Amérique, par exemple. »

 

Stendhal, De l'Amour.

 


 

IL EST BIEN BRAVE !

La culture en France penche vers la critique en général. Ne dit-on pas de quelqu'un qu'il est bien brave, pour dire qu’il est inoffensif, mais gentil ?

Tout se passe comme si être intelligent impliquait être méchant, et être gentil, à être sot. Quelqu’un dénué de toute méchanceté serait alors anormal puisque la norme serait d’en être doté d’une dose suffisante et minimale  pour survivre et se construire une carapace assez résistante aux attaques ? Il semblerait dans cette logique de l'esprit, qu’il soit très difficile d’être en même temps et gentil et intelligent en France. 

 

ÊTRE DÉNUÉ DE TOUTE MÉCHANCETÉ OU 

ÊTRE REDOUTABLEMENT INTELLIGENT ?

 
Tout se joue semblerait-il entre : être bien brave et inoffensif, dénué de toute méchanceté, ou être redoutablement intelligent

 

Ainsi toise-t-on beaucoup en France. Ce qui en dit long : soit êtes-vous estimé intelligent au point d’inquiéter votre entourage ou les adversaires éventuels dans un duel qui était inscrit d’avance. Soit on redoute l’intelligence en soi.

 

Dans tous les cas, cela consiste à être soit dénué de toute méchanceté, méprisé, et évincé, soit voué à être mis à mort de toute façon, à être remis à sa place par un interlocuteur redoutablement intelligent qui vous prendra de haut. La langue révélant qu'il y a bien une hiérarchie inavouable établie d'avance dans les coulisses. C’est l’alternative française. La verticalité est une constante. On aime tenir la dragée haute... Qui tiendra la barbichette de qui ? 

 

Bien entendu, l'art de la pique trouve son apogée quand deux partenaires qui s'estiment d'égal à égal, se respectent étant redoutablement intelligents et se retrouvent dans l’arène pour mener un combat, un duel d'esprit. Le but étant de bomber du torse et d'établir un pouvoir sur l'autre pour avoir le dessus d'une situation.

 

Ce sont ces débats d'idées de la chose en France qui déconcertent tant les Américains. Ce n’est pas tant l’idée de la chose en soi qui importe, mais l’art et la manière pour prétendre y arriver : le style, le panache, le brio, la maestria, l’éloquence, la superbe, le bravado, chutzpah, sprezzatura… Brillant ! Touché ! Je m'incline...

 

 

ON SE BAT TOUJOURS CONTRE QUELQUE CHOSE OU QUELQU’UN EN FRANCE

Ici plus qu’ailleurs, entendons-nous dire qu’il faut se battre. Que ce soit contre les administrations, le système, l'adversité, ou contre soi-même, il faut toujours se battre contre quelque chose, c’est normal en France. Être un battant est une qualité requise. 

Lorsque c'est face à son semblable, cela présuppose dans cette logique que l’un soit gentil, dénué de toute méchanceté et donc écarté d'emblée, et l’autre méchant, et par conséquent, redoutablement intelligent. Il n'y a pas de place pour les deux dans un système de rareté. Ceux qui réussissent ont dû alors battre beaucoup d’autres personnes, parce qu’on réussit aux dépens des autres ici. C'est toujours ça de gagné ! On s'en est encore bien sortis ! Qui vient de l'italien signifiant réussir, car s'en sortir se dit riuscire.

Chateaubriand nous rappelle que ces activités en Amérique ne concernent qu'un "... très petit nombre de désœuvrés et sont regardées aux États-Unis comme des puérilités du premier et du dernier âge de la vie… », Mémoires d’Outre-Tombe, Livres I à XII.

Que reste-t-il à celui qui est placé dans la catégorie : dénué de toute méchanceté ? Celui qui n'a aucune chance alors de s'en sortir ? par le Verbe du moins... La plainte peut-être ?… On n’avait pas besoin de ça ! Ça manquait ! Il ne manquait plus que ça ! On croyait avoir tout entendu !

Cf serions-nous victimes de notre langue ?

http://www.lexpress.fr/culture/livre/serions-nous-victimes-de-notre-langue_1097124.html  

En France, nous avons l'idée du sens du ridicule...  Ne disons-nous pas qu'il n'y a que le ridicule qui tue ?

 

 

voir mes billets :  L'arène françaiseLe sens du ridicule et Peut mieux faire...