L’IDÉE DE DERRIÈRE LA TÊTE

Los Angeles est sortie du désert, ex-nihilo,  où tout est explicite, visible et  en surface. Tout est « mis en scène » et sur scène et les coulisses sont aussi visibles que la scène elle-même. L’expression en anglais résume la  ville entière : what you see is what you get (ce que vous voyez, c’est ce que  vous avez et ce que vous avez, c’est ce que vous voyez). 


Pour une  Française habituée à chercher « l’idée de derrière » au sens pascalien du  terme, ou bien « le fond de la pensée », référent, référé, le signifié derrière le signifiant... L.A. est reposante parce qu’il n’y a pas « d’idée de  derrière » (la tête) de Blaise Pascal. Pas d’arrière-pensées non plus. Ici, le mot c’est la chose, et la chose c’est le mot. Nous ne sommes jamais dans l’ambiguïté. Tout est fait pour que rien ne soit jamais ambigu. Un journaliste français interviewait le réalisateur japonais Kurosawa de  passage à Paris : « Monsieur Kurosawa... la présence constante de la pluie dans  vos films... au fond, cela symbolise quoi... ? » Kurosawa de lui répondre en substance : « Mais Monsieur, il pleut tout le temps au Japon ! ». 1  


On peut aisément imaginer la déconfiture du journaliste/ intellectuel français, pensant trouver un écho en son maître et une alliée dans la complexité de la culture japonaise, « cherchant la petite bête » et l’idée de derrière la  tête... Soudainement désarçonné par l’efficacité de la réponse aussi  déconcertante qu’inattendue, tel un sumotori éjecté du dohyo à la première prise. C’est peut-être ce qui est le plus inconfortable pour le  Français qui aime justement être dans ce que les Américains appellent le double entendre, parce que le mot français traduit bien la zone de flou que la langue française sait rendre en demi-teintes et à demi-mot. Comme James le dit si bien au sujet de l'Amérique... il n'y a pas de mystère dans les coins...

« […] the furious light and heat seem to intensify the dreadful definiteness. When  things are so ugly, they should not be so definite; and they are terribly ugly here.   There is no mystery in the corners ; there is no light and shade in the types. » 2

 


 

1 Communication personnelle, Gérard Pigneaux de Laroche - japonisant - qui me cita l’anecdote en japonais.

James, Henry, The Point of View, 1886.