GADGETS...GIZMOS...

Tout est fait pour assister la maîtresse de maison avec la désormais banale mushroom brush (brosse à champignon) le jar opener (gadget servant à desserrer les couvercles récalcitrants), le shrimp deveiner (instrument effilé pour enlever le fil noir dorsal des crevettes), les corn skewers, sortes de pics que l’on insère dans chaque extrémité du maïs pour croquer à pleines dents dans un succulent épi de silver corn Sans oublier les incontournables : cherry pit remover, egg slicers, meat tenderizers, strawberry hullers et pizza slicers.   Un nombre de gadgets infini, de whatchamacallit gizmos et contraptions permettant de court-circuiter les étapes entre la nature et le produit fini colonisent la cuisine américaine. On a même inventé une multitude de fouets pour toutes sortes de recettes ! Chaque catégorie pouvant se décliner dans une arborescence à l'infini. Cela rassure : sur-équipée, la femme américaine « doit » forcément savoir cuisiner puisqu’elle a tout ! Une fois encore, le conteneur l’emporte sur le contenu, la forme sur le fond. Une chose est certaine, la cuisine américaine est une source d’inventions et d’innovations constantes. La femme cherchant toujours à améliorer et faciliter son quotidien, l’imagination n’a pas de limites. Ce qui ne veut pas dire qu’elle cuisine, loin de là ! puisque eating out est habituel. La cuisine reste pristine immaculée, rutilante. Le counter top en granite demeure étincelant, dépourvu de rayures qui seraient normales s'il était utilisé. Le réfrigérateur est plein à craquer de gallons de lait low-fat et non-fat On a pourtant l’impression que jamais cette cuisine – aussi modèle que spotless – ne s'anime et ne s'abime un jour Les aliments demeurent pendant des semaines dans leurs emballages sans qu'aucune moisissure n'intervienne, j'ai constaté que trois semaines n'altéraient en rien les feuilles de salade de romaine qu'en France, plus de trois jours dans des conditions de stockage identiques, auraient au moins flétries. J'imagine que des doses massives d'agents conservateurs sont ajoutées, pourtant tout est étiqueté organic, mais de toute évidence, la vie bactérienne semble s'abstenir. Aucune miette, aucun déchet dans ces cuisines ne souhaite pointer its ugly head.  Peu d’action. Pas d’orchestration des ingrédients. Tout repose dans les  closets  ou cabinets  dans l’attente du grand rôle qu’ils auraient à jouer un jour, si l’on daignait s’intéresser à eux pour les faire sortir du placard. Les pâtes sont dans un canister près du riz. Les containers ont tout colonisé, tout avalé et tout contenu.

Chaque objet, chaque ingrédient est à sa place. Chaque ustensile a son rôle à tenir. Il a été conçu et designed pour quelque chose de précis. Et puis, rien ne se passe. Tout est au repos. Les armées de robots : blenders de KitchenAid et les food processors de Cuisinart, déployés comme des armes technologiques prêtes à intervenir, restent propres et silencieuses, les lames luisantes et neuves. Au cas où, sait-on jamais ! Situation de repli. Circulez, y-a rien à voir. Le conteneur impressionne, le contenu est insipide, silencieux, impuissant et stérile. Rien n’est plus triste qu’une cuisine américaine en gestation. Tout ça pour accoucher, au mieux, d’un sandwich, d’une salade, d'un cupcake, ou  d’une pizza congelée…



Sur La Table, Corona Del Mar, Californie « A different stroke for every type of yolks »