VIGNETTES
Etre Française et Américaine, cristallisations culturelles
Angelena, portrait d'une Américaine par une Française...
Être Française et Américaine,
cristallisations culturelles
L’enfant-roi n’est pas un phénomène nouveau. Il est fondamentalement américain. Si dès 1886, Henry James fait dire à l’un de ses personnages que : « the young people are eating us up, there is nothing in America but the young people. The country is made for the rising generation », qu’ils sont de véritables célébrités et qu’une littérature entière leur est dévouée : « The country is made for the rising generation; […] But the little boys kick your shins, and the little girls offer to slap your face ! […] maturity will evidently be at an increasing discount.[…] ought to have called it "The Children's Century." They are little celebrities; they have reputations and pretentions; they are taken very seriously. »” Il annonce la couleur en qualifiant déjà le 19 ème siècle de "siècle des enfants". Ce n'est donc pas une découverte que de constater qu'effectivement, les choses de ce côté de l'Atlantique sont bien différentes de "chez nous", et cela n'est pas né avec les electronic leashes, avatars de jeux de rôle, ni depuis les mouvements contestataires des années 60. C'est bien en amont qu'il faut creuser.
Dans mon essai, qui est le fruit de 17 années de résidence américaine, je tente de comprendre « pourquoi ». Je fais appel à la linguistique, l’anthropologie, à la philosophie, et aux plus grands auteurs qui ont été témoins de la société américaine. La naissance de la famille nucléaire au 18ème siècle, la nature même du déracinement culturel américain, son nomadisme, ont façonné une culture de la séparation, du détachement. Ainsi, comme le constatèrent déjà Chateaubriand et Tocqueville au début du 19 ème siècle, l’esprit dit « de famille » n’existe pas en Amérique.
« Ce qu’on appelle l’esprit de famille est souvent fondé sur une illusion de l’égoïsme individuel.” de Tocqueville, Alexis, De la Démocratie en Amérique
« L’esprit de famille existe peu ; aussitôt que l’enfant est en état de travailler, il faut, comme l’oiseau emplumé, qu’il vole de ses propres ailes. De ces générations émancipées dans un hâtif orphelinage et des émigrations qui arrivent de l’Europe, il se forme des compagnies nomades qui défrichent les terres, creusent les canaux et portent leur industrie partout sans s’attacher au sol ; elles commencent des maisons dans le désert où le propriétaire passager restera à peine quelques jours. » Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe, Livres I à XII.
Ainsi la famille américaine est-elle davantage une juxtaposition d’individus non fusionnés comme chez nous dans un “livret de famille” (il faut noter qu’en France, les enfants figurent sur le passeport des parents longtemps avant d’avoir le leur). Le bébé américain quant à lui, obtient son numéro de Social Security et son passeport, clairement individué, il fait partie d’une famille dont le patronyme s’accorde au pluriel : the Miller s , the Redford s, ainsi marque-t-on bien la pluralité des membres et non la fusion familiale. Le mariage est davantage un partenariat au sein duquel chacun aura un rôle précis à jouer : taking the trash out, soccer mom, barbecue party, etc... Les familles recomposées ( combined families ) sont ainsi plus naturelles à la culture américaine, chacun étant un électron libre, allant de planète en planète.
“La solitude dont les Américains étaient environnés a réagi sur leur nature ; ils ont accompli en silence leur liberté. »
Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe, Livres I à XII.
De cette solitude -- contre nature pour nous Français (Italiens, Latins) qui sommes des cultures du lien, de la calligraphie, du legato, une langue de la liaison -- découle chez les Américains un besoin constant d’être rassurés. You bruised my self-esteem , don’t over react, no hard feelings, I am sorry if I hurt your feelings. Ainsi, les “ body parts ” sont touchées, mais pas le coeur même de l’individu. Nous ne sommes pas dans une culture de l'être, mais du faire... d'où une société à flux tendu. Faccio ergo sum a supplanté notre Cogito Ergo Sum du doute cartésien. L'Américain ne peut douter, car doute impliquerait solitude, vide et angoisse. Insupportable pour un Américain.
Le déferlement de commentaires suite à l’article dans le WSJ sur la soi-disant supériorité des parents français, touche bien évidemment une corde sensible chez l’Américain qui dit constamment : “ I love you “ et signe ses emails de “love” qu’il envoie dans le cyberspace . Nous sentons bien la colère/douleur que cela réveille. Il ne faut pas toucher au monument ! D’ailleurs, Tocqueville ne disait-il pas à ce sujet :
“...la puissance qui domine aux États-Unis n’entend point ainsi qu’on la joue. Le plus léger reproche la blesse, la moindre vérité piquante l’effarouche ; et il faut qu’on loue depuis les formes de son langage jusqu’à ses plus solides vertus. Aucun écrivain, quelle que soit sa renommée, ne peut échapper à cette obligation d’encenser ses concitoyens. La majorité vit donc dans une perpétuelle adoration d’elle-même ; il n’y a que les étrangers ou l’expérience qui puissent faire arriver certaines vérités jusqu’aux oreilles des Américains...“
De la Démocratie en Amérique
Dans mon essai : Être Française et Américaine, cristallisations culturelles , je combine mon extranéité à mon expérience de femme pour aborder les sujets qui touchent à l’enfance, la coupure sensorielle, l’addiction, le bruit, le politiquement correct, les rites de passage, le système éducatif, et tout ce que je nomme : cristallisations culturelles, qui nous renvoient bien entendu, et par ricochet, directement à nous-mêmes, pour tenter de mieux comprendre qui nous sommes.
jtsiebert@netzero.net
Nathalie, you have an amazing gift for the art of writing. I feel as thought I have only scratched the surface of what you are capable of.
nathalie monsaint baudry
Dear Jan,
Thank you so very much for you kind words… can you read French ?
NMB
Judy Youngscap
Je voudrais lire cet essai en anglais, c'est possible? Merci
nathalie monsaint baudry
Dear Judy,
My essay will be translated into … Chinese… by the University of Bejing… that is no consolation to you for the time being…