LE FRANÇAIS NE SAIT PAS TRANCHER DANS LE VIF
Contrairement aux Américains, les Français ont horreur de « trancher » dans le vif. L’expression même renvoie à une blessure, une douleur et c’est contre nature. Le Français cherchera à garder à sa disposition le plus longtemps possible l’ensemble de la situation avant de définir et de séparer les éléments les uns des autres. Il retardera le moment de prendre parti. Ne pas signer ses écrits, ne pas s’impliquer, ne pas s’engager, y aller par quatre chemins, faire comme si de rien n’était, rendre une copie anonyme, faire semblant de rester en dehors , écrire en tant que sujet qui dit « je » mais ne pas écrire « je » et ne pas assumer pleinement ses dires. Impensable pour un Américain ! C’est un-American parce que chaque parole est un engagement au nom du principe d’ accountability.
Devant un ensemble de bâtiments, un Français nommera la résidence principale, et les dépendances, signifiant bien le lien entre les édifices rattachés à la demeure. Or en anglais, on nommera ces dépendances, précisément en insistant sur le fait qu’elles sont séparées de la maison principale : out-buildings. La préposition out évoque la distance et la séparation, et donne une existence entière au bâtiment singularisé et désolidarisé de l’ensemble des édifices, standing out ou bien outstanding .
FRANCE : CULTURE DU LEGATO
Les Français sont du côté du legato et les Américains du staccato. Le français est une langue de la liaison, la fin d’un mot se connecte phonétiquement à la première lettre du mot suivant, enchaînant les morphèmes. C’est aussi la langue de la conjonction de coordination. Au contraire, l’anglais et l’allemand sont des langues où chaque mot est distinctement prononcé et cloisonné au sein du syntagme, dont chaque noyau isolé est clairement énoncé. Les Français sont d’une culture du lien et d’appartenance que la langue consolide.
D’ailleurs le très fort lien à la mère se retrouve dans la contradiction compensatoire suivante : la particularité française de prôner l’entrée précoce à l’école (dès deux ans), tout en appelant cela l’école « maternelle ». D’une certaine façon, les Français ont une vue de l’ensemble d’une situation donnée. Ils peuvent donner les grandes directions et lire entre les lignes ou entre les mots ou à demi-mot. En rhétorique, le français est la langue du non-dit, et de la circonlocution, de l’ellipse et de la réticence. Laissons la phrase en suspension et l’interlocuteur devinera le reste.
Entre en scène le concept de la liminalité… ce n'est plus complètement, ce n'est pas encore autre chose, c'est ce passage, cette zone de gris, cette jachère, ce non-dit, ce sfumato...
Derniers commentaires
Bonsoir !
Très touchée que vous ayez pris le temps de rédiger un avis si positif. Très heureuse de vous avoir touché.
Bien à vous
N
bravo !
votre texte sur le gout de la France est extraordinaire !
vous atteignez l'essence d'une impression impalpable unique car Française
jamais j'avais lu un tel condensé
merci
Bonjour et merci pour votre commentaire !
En fait, je ne souhaite pas faire cela sur FB car j’ai 1700 expressions... publier dans de bonnes conditions serait effectivement envisageable ! Merci !
Je ne suis pas éditeur, dommage ! Vous pourriez lancer un jeu sur FB. Trouver des expressions dynamique pour remplacer les déprimantes.