DE L'ART DE LA PIQUE EN FRANCE

LE SENS DU RIDICULE

« The girls are not shy, but I don't know why they should be, for there is really nothing here to be afraid of. Manners are very gentle, very humane; the democratic system deprives people of weapons that every one doesn't equally possess. » 1

LA CRITIQUE EN FRANCE

La performance aux États-Unis est alors la reconnaissance d’un talent naissant ou accompli. On va au spectacle pour applaudir l’artiste. Alors qu’en France, c’est entrer dans l’arène aux fauves comme Charles Aznavour le confiait dans une interview radio au cours d’un été... Inconsciemment, le Français va au spectacle et guette la faille, la fausse note. Va-t-elle pousser le contre-ut ? Sa voix sera-t-elle aussi bonne qu’avant ? Le concept du sens du ridicule n'existe pas en Amérique, ni en Italie. [...]

1 James, Henry, The Point of View, 1886.

 


LA PIQUE FRANÇAISE

On contourne l’être et manie le fleuret avec des mots, parfois jusqu’à la pique d’ailleurs comme nous l’explique Stendhal dans De l’Amour : 1  

« La pique étant une maladie de l’honneur, est beaucoup plus fréquente dans les monarchies, et ne doit se montrer que bien plus rarement dans les pays où règne l’habitude d’apprécier les actions par leur degré d’utilité, aux États-Unis d’Amérique, par exemple. »

Ne disons-nous pas « prendre quelqu’un de haut » ?  

En anglais américain, c’est indicible, de 

remettre quelqu'un à sa place, 

il n’y a pas de « hauteur ». Alors qu’en français, nous savons tous ce dont il s’agit. Au cinéma, dans le film de Patrice Leconte : Ridicule, 1996, l’usage de la pique à la Française au XVIIIème siècle est le thème central du film. Les figures de style, telles les saillies drolatiques, calembours et autres ne peuvent que désarmer les spectateurs américains qui ne peuvent comprendre qu’une telle énergie soit mise dans la tournure de la langue visant à blesser autrui alors que le gouvernement, semble-t-il, avait d’autres choses plus urgentes à traiter. Le « dîner de cons » pour reprendre le titre d'un film français, n'est pas traduisible en anglais. Faire du mal pour faire du mal et humilier la personne est impensable. Pour des Américains, c’est d’une telle futilité et d’une telle vanité, qu’ils ne peuvent que mépriser ce verbiage toxique. Le film met en relief que les mots en France, servent à assassiner et que l’on peut en effet tuer ou être tué par un mot de trop. «  Il n’y a que le ridicule qui tue !  »

 

«  La poésie et l’imagination, partage d’un très petit nombre de désœuvrés, sont regardés aux États-Unis comme des puérilités du premier et du dernier âge de la vie… » 2

Le mot «  pique  » et le mot «  touché  » sont d’ailleurs repris tels quels en anglais-américain puisqu’ils n’ont pas d’équivalent. Ce qui fait que l’Américain n’a pas le concept du «  sens du ridicule  » et peut exister comme il le souhaite sans risquer de s’exposer à la critique assassine. Cela contribue à lui donner une confiance en soi, une aisance, dès le plus jeune âge.

 


 

1 Stendhal, De l’Amour . Folio Classique, Gallimard, 1980. Page 129.

2 Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe, Livres I à XII, Les Classiques de Poche. Page 528.