SERIONS-NOUS VICTIMES DE NOTRE LANGUE ?
BON COURAGE
OU
ENJOY
En Amérique, il est très rare d’entendre les gens se plaindre. De retour en France, c’est le rituel du Bon courage ! qui interpelle quotidiennement. Expression pour le moins surprenante. De quel courage parlons-nous ? Je n’allais pas au front à la guerre que je sache ! L’équivalent américain dans le même contexte étant : Enjoy ! ou bien have a good one, c’est-à-dire, prenez du plaisir à ce que vous allez faire. Question de perspective. Un Français d’Amérique s'auto-censure. Il est bien placé pour le savoir. Cela ne lui viendrait pas à l'esprit de souhaiter à l'employé du supermarché good luck ... Indicible, intraduisible. Good luck for what ? Do I look that bad ?
À force de
«
je
te
l’avais bien dit ! Comme par hasard ! C’était mal parti. On
n’est pas rendus. De toutes façons... fallait s’en douter. C’eut été étonnant. Fallait
que ça tombe (encore) sur nous. Au train où vont les choses. Comme d’habitude.
Pour qui tu te prends d'abord ? C’est toujours la même chose. Il l’a pas volé.
C’est pas à nous que ça arriverait. Comme de bien entendu. De toute façon, faut
pas se faire d’illusion. Comme il se doit. J’aurais dû le savoir. C’était tout
vu d’avance. J’aurais dû me méfier. Et encore, c'est que l'début ! Je crains le
pire...
Comment ne pas déprimer
avec une langue qui déprime « à elle toute seule » ? Chaque phrase
est ponctuée de locutions laissant un goût d’amertume, de regret, de
ronchonnerie, de rabat-joie,
vous en savez quelque chose, non ?
Quoiqu’on
dise, quoiqu’on fasse
.
Ne m'en parlez pas...
c'est surtout pas à moi qu'il faut dire ça !
C’est une malédiction.
Vestiges des anciens dieux romains ? Païens ? Superstitions ?
Paysannerie, famines, disettes,
fatum
? Sapir
et Whorf déjà...qui de l'œuf ou de la poule ? Infusion de notre culture et de
la langue... Personne n’y échappe.
Que voulez-vous que je
vous dise ! Que voulez-vous que j'y fasse ?
Y-a
pas moyen de s’en sortir. J'te l’avais bien dit ! Dans quoi tu t'es lancé
encore ? Et encore, c'est que l'début ! Vous allez voir ce que vous
allez voir ! Vous n’êtes pas au bout de vos surprises... Le pire reste à
venir... Et encore, je ne vous dis pas tout !
N'ayez crainte !
Un Français pourrait tenir une conversation à flux tendu, jouant sur une
large gamme de
small talk, faut pas se faire d'illusions,
scandant
des heures de malédiction, de mauvais sort, de poisse, maudissant le beau temps
qu'on va de toute manière bien finir par payer, parce que ça pouvait pas durer, que c'était
trop beau, qu'est-ce-que tu crois ! Fallait s'y attendre non ?
Ainsi, sommes-nous linguistiquement copieusement abreuvés de : c’est pas possible, à quoi bon ! T’avais qu'à pas… T’étais prévenu d’avance et d'abord t'aurais dû le savoir. Nous prévenant que c’est pas demain la veille que ça va changer... ça se saurait ! Depuis le temps ! On ne va pas se refaire ! Il manquerait plus que ça...non mais alors !
Comment ne pas voir tout en noir avec une telle langue ? Et si nous décidions collectivement d’éliminer la plainte de notre lexique ? Essayez, ne serait-ce que sur quelques heures en France, de les recenser... Prêtez-vous au jeu. Au point où nous en sommes ! Nous ne sommes plus à cela près...
Tout se passe comme si les
mots étaient plus forts que le locuteur qui les utilise et qui tombe dans le
piège de la langue. Une expression en appelle une autre... De toute façon,
foutu
pour foutu ! Pendant qu'on y est, allons-y gaiement... C’est pas
surprenant qu’avec une langue pareille,
on soit
toujours à geindre. Le français serait-il vraiment une langue déprimante ?
Rendant le sujet irresponsable de la phrase, comme affligé d’une poisse permanente
qui aurait comme conséquence directe de faire déprimer le Français ? Mais
alors,
quid
des Québécois et des Belges ?
Là où l'anglais dira :
I
am not going to lose sleep over this,
le français/Français optera pour
:
ça va pas m'empêcher de dormir
.
Qui est le sujet du verbe ? Qui
fait quoi ? C’est plus fort que nous...
really?
Si c’est de la faute de la
langue, déclarons alors une guerre quotidienne à nos expressions dépressives.
Reprenons-nous, il est grand temps ! Choisissons la voie active, fuyons le
passif, préférons le temps de la certitude, l'indicatif présent, voire
l'impératif, décidons qu’aujourd’hui sera une bonne journée ! Arrêtons la
plainte collective, embrassons la
certitude. Mettons un stop à ce sport national...
Vous êtes prévenus
maintenant, faudra pas venir vous plaindre,
y'a
pas d’raison d’abord...
Nous avons recensé plus de 1700 expressions dépressives de ce type dans : Mais Bon, Essai sur la Mentalité Française , téléchargeable gratuitement sur www.pbaudry.com Nous cherchons un éditeur pour cet essai.
crisitane
Je ne suis pas éditeur, dommage ! Vous pourriez lancer un jeu sur FB. Trouver des expressions dynamique pour remplacer les déprimantes.
Nathalie MB
Bonjour et merci pour votre commentaire !
En fait, je ne souhaite pas faire cela sur FB car j’ai 1700 expressions... publier dans de bonnes conditions serait effectivement envisageable ! Merci !